Protection des marques de commerce au sein des domaines des chaînes de blocs

Les sociétés propriétaires d'une marque de commerce devraient réserver leurs marques auprès des systèmes de nommage sur la chaîne de blocs. Les risques de contrefaçon au niveau des domaines de chaînes de blocs sont réels et les remèdes sont limités pour le moment. Ainsi, il devient essentiel de protéger en amont les droits de propriété intellectuelle des entreprises au sein de l'écosystème des chaînes de blocs.

1. Contexte

La chaîne de blocs est une technologie décentralisée, dans la mesure où chaque nSud (ou ordinateur) du réseau a accès au registre complet des transactions. Chaque transaction est traçable et infalsifiable. Dans cet écosystème, les systèmes de nommage sur la chaîne de blocs (similaire aux domaines traditionnels, comme par exemple .com ou .ca) permettent, entre autres, aux sociétés d'identifier plus facilement les portefeuilles où recevoir ou envoyer des paiements en utilisant une adresse plus simple que la séquence alphanumérique habituellement attribuée à ce portefeuille.

Réserver son nom auprès d'un système de nommage sur la chaîne de blocs présente des avantages considérables au niveau du marketing et de l'engagement des consommateurs.

Ces noms sont similaires aux noms de domaines traditionnels. Ils sont toutefois reliés à une chaîne de blocs via un NFT. Le nom est donc lui-même un NFT. À ce jour, les deux principaux fournisseurs de systèmes de nommage sur la de chaînes de blocs sont Unstoppable Domains (.CRYPTO, .NFT, .BITCOIN, etc.) et Ethereum Name Services (.ETH).

2. Les risques à anticiper

a) Le « Squatting »

Les systèmes de nommage sur la chaîne de bloc attribuent les noms grâce à un contrat intelligent. Il s'agit d'un contrat automatisé permettant l'enregistrement d'un nom si certaines conditions prédéfinies sont remplies. Ainsi, au moment de l'enregistrement, il n'y a aucun encadrement ni procédure de vérification du droit légitime du demandeur d'utiliser le nom demandé.

Cette méthode favorise malheureusement les pratiques de « squatting ». Ce phénomène permet à un tiers d'obtenir l'enregistrement d'un nom comportant une marque de commerce au sein d'un système de nommage sur la chaîne de blocs, avant que le propriétaire de la marque ne le fasse. Ce faisant, ce tiers « squatte » le nom. Lorsque le propriétaire de la marque voudra enregistrer un nom contenant sa marque, il sera impossible de le faire. Pendant ce temps, le détenteur de l'enregistrement aura tout le loisir de conclure des transactions, des contrats et recevoir des paiements de la part des consommateurs sur la chaîne de blocs. Ceci pose donc un grand risque, non seulement de confusion chez les consommateurs, mais de fraude pure et simple.

Également, puisque les noms se retrouvent dans un environnement décentralisé, il devient ardu pour toute autorité d'intervenir directement auprès du fournisseur du système de nommage. Les politiques et la surveillance effectuée par ICANN au sein des serveurs DNS traditionnels ne trouvent pour l'instant pas application.

Malgré tout, il semble que les systèmes de nommage sur la chaîne de blocs les plus populaires soient administrés par des personnes physiques. Bien qu'il n'existe officiellement aucun mécanisme permettant au titulaire d'une marque de s'opposer et/ou de faire retirer un nom contrefait directement auprès du fournisseur système de nommage, un tribunal pourrait envisager de tenir les administrateurs du système de nommage responsable de contrefaçon particulièrement si la situation est portée à leur connaissance et qu'ils s'abstiennent de réagir.

De même, la jurisprudence canadienne a mainte fois reconnu que l'exploitation d'un nom de domaine comprenant une marque de commerce peut constituer une contrefaçon de marque au sens de la Loi sur les marques de commerce. Ainsi, au Canada, le titulaire d'une marque de commerce n'est pas totalement sans recours.

b) Difficultés liées à l'anonymat

Les transactions sur la chaîne de bloc se font à l'aide d'un pseudonyme. Ainsi, la majorité des transactions sont pour ainsi dire anonymes, dans la mesure où il est pratiquement impossible de relier le pseudonyme à son détenteur. De plus, rappelons que les noms de domaine sur la chaîne de bloc sont des NFTs, qui par leur nature ne confèrent qu'une propriété indirecte. Celui qui détient le nom de domaine n'en est donc pas propriétaire puisqu'il n'est pas son créateur, il en est seulement l'utilisateur. Tout recours envers le détenteur pourrait s'avérer inefficace puisqu'il est difficile et coûteux d'identifier sur la chaîne de bloc un tel détenteur pour lui signifier une procédure judiciaire et éventuellement lui réclamer des dommages-intérêts ou exécuter une injonction.

Malgré tout, le titulaire d'une marque de commerce pourrait tenter de demander au tribunal d'ordonner au fournisseur du système de nommage de désactiver le lien entre le nom contrefaisant et une chaîne de blocs ou même de « brûler » le NFT à l'origine du nom. Pour l'instant, nous ne sommes au fait d'aucune décision au Canada qui ait rendu une telle ordonnance dans une affaire de contrefaçon de marque ou autre.

3. Alternative pour les propriétaires de marque de commerce

Face aux options limitées qui sont actuellement disponibles et la grande latitude dans la gestion des domaines, la solution la plus efficace afin de protéger sa marque de commerce est de réserver le nom de sa marque ainsi que toutes ses variantes auprès des fournisseurs de système de nommagepertinents. À ce stade-ci du développement de la technologie et des activités sur la chaîne de bloc, l'enregistrement devrait être envisagé sur chaque chaîne de blocs sur laquelle l'entreprise est susceptible d'avoir des opérations ou une présence, à court ou moyen terme. Une stratégie de couverture large est recommandable pour anticiper la croissance de l'entreprise et calfeutrer toute opportunité de squatting.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.