Quoi retenir de la première année d'application de la législation canadienne sur le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement?

Maintenant qu'est passée la date limite du 31 mai pour la soumission des rapports par les entreprises visées en vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail...
Canada Corporate/Commercial Law
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Maintenant qu'est passée la date limite du 31 mai pour la soumission des rapports par les entreprises visées en vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement (la « Loi  »), le moment est venu de faire le point.

Quelques questions méritent d'être examinées à la lumière de cette première année d'application et, encore davantage en prévision des années à venir :

  • Quelles ont été les principales sources de confusion en ce qui concerne l'applicabilité de la Loi?
  • Toutes les entreprises assujetties à la Loi ont-elles déposé le rapport requis?
  • Est-il possible de déposer le rapport tardivement ou de déposer un rapport révisé?
  • Comment les entreprises peuvent-elles se préparer au dépôt du rapport de l'an prochain?

Déposer ou ne pas déposer

Plusieurs entreprises assujetties à la Loi ignorent probablement leur obligation de faire rapport ou ne savent pas si cette obligation s'applique à elles. La Loi n'est entrée en vigueur que cinq mois avant la première date limite de soumission des rapports et de nombreuses entreprises ont eu de la difficulté à déterminer si la Loi s'appliquait dans leur cas. Nous avons nous-mêmes été témoins de cette confusion, car de nombreuses entreprises ont communiqué avec nous dans les jours et les semaines précédant la date limite de soumission, ne sachant pas si elles étaient soumises à la Loi.

Le gouvernement canadien avait d'ailleurs indiqué que des milliers d'entreprises pourraient être visées par la Loi. Les principaux critères pour les sociétés fermées sont les suivants : (i) respecter au moins deux des trois seuils liés à la taille (posséder des actifs d'une valeur d'au moins 20 M$, générer des revenus d'au moins 40 M$ ou avoir au moins 250 employés) pour au moins un des deux derniers exercices et (ii) exercer les activités visées. Ainsi, bon nombre de petites et moyennes entreprises pourraient être étonnées d'apprendre qu'elles sont assujetties la Loi.

En fin de compte, pour de nombreuses entreprises, déterminer si la Loi s'applique est un exercice plus complexe qu'il n'y paraît. En cas de doute, il peut être indiqué d'obtenir des conseils juridiques externes et, s'il est déterminé que la Loi s'applique, de songer sérieusement à effectuer un dépôt tardif et ainsi faire de son mieux pour tenter de se conformer à la Loi, et ce même si le gouvernement a maintenant fermé son portail en ligne pour la soumission des nouveaux rapports pour le cycle de 2024. En effet, l'acceptation de soumissions tardives volontaires semble s'inscrire dans l'objectif de transparence de la Loi, et être cohérente avec la déclaration de Sécurité publique Canada selon laquelle une approche « éducative » serait adoptée pour cette première année. Par conséquent, les déposants retardataires peuvent évaluer leurs différentes options, et déterminer si un dépôt tardif est préférable à l'absence de dépôt.

De même, la Loi autorise les entités ayant déposé un rapport de manière précipitée à déposer un rapport révisé, si elles le souhaitent.

Quelques leçons retenues

L'expérience de cette première année de soumission nous aura permis de relever quelques points essentiels dont les entreprises devraient tenir compte :

Entreprises étrangères - Les entreprises situées à l'étranger présument souvent qu'elles ne sont pas assujetties à la Loi. Cependant, la Loi peut s'appliquer si elles ont des actifs ou un établissement ou exercent des activités au Canada autrement que par l'intermédiaire de leurs filiales canadiennes. Cette évaluation n'est pas une simple analyse de type « cases à cocher ». Elle nécessite plutôt un examen minutieux de toutes les considérations pertinentes concernant l'étendue et la nature des activités qui ont lieu au Canada.

Analyse des seuils - Pour déterminer si les entités respectent les seuils liés à la taille, la Loi prévoit que celles-ci doivent se reporter aux états financiers consolidés. Les lignes directrices du gouvernement publiées le 20 décembre 2023 et mises à jour le 5 mars 2024 (les « lignes directrices ») précisent que ces seuils désignent le total des actifs, des revenus et des employés, mais indiquent que les filiales doivent évaluer leurs propres états financiers consolidés et non ceux de la société mère. Cette façon de faire soulève notamment les questions suivantes : Quelles filiales ont l'obligation de faire rapport? Quels états financiers doivent être utilisés? Quelle est l'incidence d'une telle évaluation sur la société mère, qu'elle soit canadienne ou étrangère? Toutes ces questions, qui nous ont été posées à maintes reprises, seront probablement les mêmes questions que se poseront les entreprises lorsqu'approchera la période de soumission des rapports l'an prochain.

Activités visées  - Les entités qui n'ont pas été au fait des changements apportés aux lignes directrices ou des discussions avec Sécurité publique Canada peuvent croire que les entreprises qui ne font que distribuer et vendre des marchandises ont l'obligation de faire rapport. Selon la Loi, c'est effectivement le cas. Toutefois, au début du mois de mars, le gouvernement a révisé ses lignes directrices et a retiré toute mention de ces activités et a confirmé verbalement par la suite, lors d'une séance d'information, qu'il ne considérait pas que la Loi s'appliquait aux entités qui ne font que distribuer et vendre des marchandises. Il a précisé que la Loi vise plutôt l'importation et la production, mais les modifications correspondantes n'ont pas encore été apportées à celle-ci.

Entités détenant le contrôle - Le sujet des entités détenant le contrôle a également suscité beaucoup d'intérêt. Le fait que la Loi prévoit une obligation de faire rapport pour toute entité qui contrôle une entité déclarante a soulevé des questions pour les investisseurs qui détiennent une participation majoritaire dans une entité, mais qui ne participent pas à la gestion de ses activités quotidiennes. Devaient-ils fournir des renseignements sur la chaîne d'approvisionnement des sociétés en exploitation qui soumettaient leur propre rapport? Devaient-ils fournir des renseignements sur les autres filiales non déclarantes? Dans la négative, à quelles obligations d'information étaient-ils soumis? La Loi était-elle vraiment censée s'appliquer à eux? En raison du manque de clarté, de nombreux investisseurs ont demandé des conseils juridiques concernant leurs obligations.

Des progrès restent à faire

La Loi a certes semé la confusion quant à son applicabilité, mais elle semble avoir atteint son objectif de sensibilisation à la question de l'esclavage moderne dans les chaînes d'approvisionnement. L'entrée en vigueur de la Loi a poussé de nombreuses entreprises qui n'avaient pas déployé d'efforts à cet égard à prendre des mesures et à améliorer leurs processus internes.

En effet, il existe plusieurs domaines dans lesquels des améliorations peuvent être apportées pour mieux gérer ces risques et améliorer la préparation des rapports de l'an prochain : cartographie de la chaîne d'approvisionnement, évaluation des risques, codes et politiques, formation, évaluation de l'efficacité, mesures correctives, diligence raisonnable lors de la sélection des fournisseurs, révision des contrats d'approvisionnement, etc. Il est primordial que les entreprises évaluent si ces mesures concordent avec leur profil de risque et leurs capacités internes en vue du prochain cycle de soumission de rapports, pour lequel Sécurité publique Canada commencera à accepter les dépôts le 1er janvier 2025.

Il ne faut pas oublier que, pour l'instant, la Loi n'exige que le dépôt d'un rapport décrivant les mesures mises en place par une entreprise pour prévenir le recours au travail forcé et au travail des enfants dans le cadre de ses activités et dans sa chaîne d'approvisionnement. À l'heure actuelle, la Loi ne prévoit aucune obligation de mettre en œuvre des mesures précises, mais cela pourrait changer à plus long terme. Par exemple, le gouvernement fédéral a l'intention de présenter cette année un nouveau projet de loi qui imposerait une obligation de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, suivant ainsi l'exemple de certains pays européens. La portée et l'étendue de ce projet de loi restent à déterminer.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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