La situation parentale : un motif de discrimination prohibé par la Charte des droits et libertés de la personne ?

Le plus haut tribunal au Québec était saisi d'un appel suivant le jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire du Syndicat canadien de la fonction publique...
Canada Employment and HR
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Contexte

Le plus haut tribunal au Québec était saisi d'un appel suivant le jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire du Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3333 (ci-après le « Syndicat » ou l' « Appelant »), à l'encontre d'une sentence d'une arbitre de griefs.

Par l'entremise d'un grief collectif, le Syndicat prétendait qu'une disposition de la convention collective concernant un congé « d'assiduité », reconnaissant la régularité de la prestation de travail, était discriminatoire à l'endroit des personnes en congé de maternité, paternité ou parental.

Afin de bénéficier de ce congé, certaines conditions se devaient d'être remplies. D'une part, le congé d'assiduité est accordé aux salariés qui, durant une année de référence, ne se sont pas absentés à plus de trois (3) reprises ni pendant plus de 10 jours. D'autre part, aux fins de la computation du nombre d'absences, la convention collective exclut expressément certains congés, mais ceux de maternité, paternité et parentalité ne sont pas visés par une telle exception.

Essentiellement, pour le Syndicat, il s'agissait d'une discrimination d'une condition de travail fondée sur le sexe, la grossesse et l'état civil et dont ce dernier motif comprenait la notion de « parentalité » ou de « situation familiale ».

La sentence arbitrale

L'arbitre examine trois questions soumises par les parties. Premièrement, il conclut que les congés de maternité, de paternité ou parentaux ne sont pas inclus dans l'exception des congés sociaux prévue dans la convention collective. Deuxièmement, il détermine que les employés en congé de maternité, de paternité ou parental ne sont pas considérés comme étant au travail aux fins du congé d'assiduité. Troisièmement, il conclut, en se basant sur l'arrêt SIISNEQ1, que l'exclusion de ces congés n'est pas discriminatoire au sens de l'article 10 de la Charte.

L'arbitre explique que les congés sociaux sont des congés spéciaux de courte durée liés à des circonstances spécifiques, tandis que les congés parentaux sont de longue durée et exempts des obligations envers l'employeur. Les parties ont expressément prévu à quelles fins spécifiques les congés parentaux sont considérés comme du temps travaillé, et l'obtention du congé d'assiduité n'en fait pas partie.

Le jugement de la Cour supérieure

La Cour supérieure arrive à la conclusion que l'arbitre a rendu une décision raisonnable en concluant que l'exclusion des congés parentaux du congé d'assiduité n'est pas discriminatoire au sens de l'article 10 de la Charte et a donc rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire.

L'arrêt de la Cour d'appel

  1. Cadre juridique de l'article 10 et 16 de la Charte Dans un premier temps, la Cour d'appel rappelle le cadre juridique applicable des articles 10 et 16 de la Charte. L'article 10 garantit à toute personne le droit à la reconnaissance et à l'exercice des droits et libertés sans discrimination fondée sur divers motifs tels que la race, le sexe, la religion, l'état civil, etc. Cependant, l'article 10 ne peut fonder un recours en lui-même, mais protège le droit de ne pas subir de distinction ou d'exclusion dans les conditions de travail, comme en dispose l'article 16. Par conséquent, une distinction défavorable n'est pas automatiquement discriminatoire. Pour prouver la discrimination, il faut démontrer que la distinction est liée à l'un des motifs interdits par l'article 10 et qu'elle compromet l'exercice du droit spécifique invoqué. Il existe deux types de discrimination : la discrimination directe, qui est une distinction explicite basée sur un motif interdit, et la discrimination par effet préjudiciable, qui est l'effet préjudiciable d'une règle ou pratique neutre en apparence, mais qui a un effet discriminatoire sur un employé ou un groupe d'employés en raison d'une caractéristique spéciale. Une différence de traitement peut être discriminatoire même si elle est basée sur des choix faits par l'individu ou le groupe concerné. Pour prouver la discrimination, le demandeur doit satisfaire à un fardeau de preuve comprenant trois éléments :
    1. Prouver qu'il a fait l'objet d'une distinction;
    2. Établir qu'un motif protégé par l'article 10 a été un facteur dans la différence de traitement; et
    3. Démontrer que cette différence de traitement compromet l'exercice d'un droit garanti par la Charte.
  2. Analyse Tout d'abord, la Cour d'appel rappelle que la notion d' « état civil » prévu à l'article 10 ne comprend pas nécessairement la « parentalité » ou la « situation parentale », comme l'arrêt SIISNEQ l'a précédemment établi. Ainsi, la Cour d'appel rejette vigoureusement les prétentions du Syndicat à l'effet que l'arrêt SIISNEQ aurait été contredit par d'autres décisions et qu'il s'agirait d'une décision « isolée ». En effet, la Cour considère que ces décisions, non seulement n'affectent en rien les enseignements de l'arrêt SIISNEQ, mais plutôt que la jurisprudence qui s'en soit suivie est venue confirmer de tels enseignements. À ce titre, la Cour d'appel souligne que l'énumération des motifs de discrimination à l'article 10 de la Charte est exhaustive et ne peut être étendue afin d'y inclure des motifs similaires, et ce, contrairement à celle du paragraphe 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés2. Elle mentionne également que des développements ultérieurs3 suggèrent que la parentalité ou la situation parentale n'est pas incluse dans le motif de discrimination fondé sur l'état civil. Ensuite, la Cour d'appel se penche sur l'exclusion du congé de maternité parmi les congés qui ne sont pris en compte pour l'octroi d'un congé d'assiduité afin de déterminer s'il s'agit d'un motif de discrimination fondé sur le sexe ou la grossesse. L'Appelant alléguait que l'arbitre et la Cour supérieure avaient erré notamment en raison du groupe de salarié utilisé aux fins de la comparaison. Or, la Cour d'appel a confirmé la légitimité du groupe de comparaison en soulignant que la comparaison entre la salariée en congé de maternité et les personnes en congé de paternité, en congé parental, exclues des exceptions pour l'absence comptabilisée permettait de conclure que la salariée en congé de maternité n'était pas exclue en raison de sa grossesse, mais bien en raison de la durée du congé et de l'objectif du congé d'assiduité. En conclusion, la Cour estime que l'arbitre n'a pas rendu une décision déraisonnable en concluant que l'exclusion des congés de maternité, de paternité et parentale ne constitue pas une forme de discrimination fondée sur l'état civil.

À retenir

Outre l'exposé détaillé concernant le fardeau qui incombe au demandeur alléguant «discrimination» au sens de l'article 10 de la Charte, la Cour d'appel confirme que l'énumération des motifs de discrimination prévus à l'article 10 est exhaustive et que, par conséquent, le motif de discrimination fondé sur l'« état civil» n'englobe pas la « parentalité » ou la « situation parentale ».

En outre, cet arrêt confirme qu'une distinction entre les absences liées aux congés de maternité, paternité et parental avec d'autres types d'absences n'est pas nécessairement discriminatoire, et ce, malgré certaines décisions rendues par Tribunal des droits de la personne dans le passé.

Footnotes

1. Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé Nord-Est québécois (SIISNEQ) (CSQ) c. Centre de santé et de services sociaux de la Basse-Côte-Nord, 2010 QCCA 497 [« SIISNEQ »].

2. Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.

3. Procureure générale du Québec c. Association des juristes de l'État, 2017 QCCA 103; Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail.

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