Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_155/2022 du 19 décembre 2023 | Principe ne bis in idem – infraction à la LCR et lésions corporelles

  • Il ressort de la pratique récente du Tribunal fédéral, que le sort procédural de la violation simple des règles de la circulation et celui de lésions corporelles par négligence sont indépendants l'un de l'autre. En effet, le chef de lésions corporelles contient un élément de fait supplémentaire qui ne fait pas l'objet de la procédure relative à la violation des règles de la circulation. Le fait que la violation des règles de la circulation et celui de lésions corporelles soient (également) liés à la violation du devoir de diligence n'est pas pertinent. Le jugement définitif concernant la violation des règles de la circulation ne s'oppose donc pas à une procédure pour lésions corporelles par négligence.

TF 7B_525/2023 du 10 novembre 2023 | Rappel de jurisprudence – créance compensatrice, séquestre et bien appartenant à un tiers favorisé (art. 71 al. 3 CP)

  • La créance compensatrice ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 in fine CP). Aux termes de l'art. 70 al. 2 CP, la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (consid. 3.1).
  • L'art. 71 al. 3 CP prévoit que l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée, sans lien de connexité avec les faits faisant l'objet de l'instruction pénale (consid. 3.2).
  • Par « personne concernée » au sens de l'art. 71 al. 3 CP, on entend non seulement l'auteur, mais aussi, à certaines conditions, un tiers favorisé, d'une manière ou d'une autre, par l'infraction (consid. 3.2).
  • La jurisprudence a aussi admis qu'un séquestre ordonné sur la base de l'art. 71 al. 3 CP peut viser les biens d'une société tierce, dans les cas où il convient de faire abstraction de la distinction entre l'actionnaire – auteur présumé de l'infraction – et la société qu'il détient (théorie de la transparence). Il en va de même dans l'hypothèse où le prévenu serait – dans les faits et malgré les apparences – le véritable bénéficiaire des valeurs cédées à un « homme de paille » sur la base d'un contrat simulé (consid. 3.2).
  • En lien avec cette seconde hypothèse, il a été précisé, dans le cadre de la LP que les biens du tiers peuvent également être réalisés pour désintéresser le créancier parce qu'ils ne sont que formellement au nom de ce tiers – qui n'est dès lors qu'un homme de paille, en ce sens qu'il n'est que le propriétaire apparent d'un bien qu'il détient pour le compte du débiteur –, mais appartiennent en réalité au débiteur. Il incombe au créancier de démontrer que, malgré notamment la possession, l'inscription dans un registre public ou l'intitulé du compte bancaire, les avoirs mis sous main de justice appartiennent au débiteur (consid. 3.2.1.).
  • Lorsque le juge du séquestre en matière de LP applique le principe de la transparence, la notion de détention - purement factuelle - ne fait aucune distinction entre le possesseur de bonne ou de mauvaise foi et ce n'est pas la possession que le principe précité sanctionne, mais la volonté abusive de soustraire une valeur à la mainmise du créancier (consid. 3.2.1).

TF 7B_106/2022 du 16 novembre 2023 | Levée des scellés, obligation de collaborer et de motiver, et secret professionnel de l'avocat

  • Le Ministère public de Bâle-Campagne a mené une enquête pénale contre la Recourante pour soupçon de vol multiple, abus de confiance et utilisation frauduleuse d'un système de traitement des données. Lors d'une perquisition effectuée chez elle le 16 février 2022, divers objets ont été saisis. Par requête du 22 février 2022, la Recourante a demandé l'apposition des scellés sur les supports de données électroniques, les écrits, papiers et documents commerciaux saisis. Par décision du 30 septembre 2022, le Tribunal de mesures de contrainte a partiellement approuvé la demande de levée des scellés. Cette décision a été contestée devant le Tribunal fédéral.
  • La Recourante a notamment invoqué une violation de son droit d'être entendue. Elle a fait valoir que l'instance inférieure n'avait pas expliqué pourquoi elle n'aurait pas respecté son obligation de motiver s'agissant (i) d'un disque dur externe, (ii) d'un iPhone rouge et (iii) d'un iPhone or. Selon son point de vue, la Recourante aurait démontré que les données enregistrées sur l'ordinateur portable saisi étaient pratiquement identiques à celles enregistrées sur le disque dur, si bien qu'elle estimait formaliste d'exiger d'elle qu'elle désigne avec précision ce qui se trouvait sur ledit disque dur. Il en allait de même pour les deux iPhones. En effet, elle avait expliqué que les supports de données contenaient des informations protégées par le secret et où ces informations se trouvaient. Il s'agirait en partie des mêmes données que celles figurant sur l'ordinateur portable (correspondance d'avocat, documents médicaux, données protégées de la personnalité) (consid. 3.1).
  • Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le détenteur d'enregistrements et d'objets saisis à des fins de perquisition, qui a déposé une demande d'apposition de scellés, a l'obligation procédurale de motiver suffisamment les intérêts au maintien du secret qu'il invoque (art. 248 al. 1 CPP). Si la personne concernée ne respecte pas son obligation de coopérer et de fournir des éléments de preuve dans la procédure de levée des scellés, le tribunal des mesures de contrainte n'est pas tenu de rechercher d'office d'éventuels obstacles matériels à la perquisition. Les intérêts secrets menacés doivent être décrits au moins brièvement et rendus vraisemblables. Il convient également de mentionner les enregistrements et les fichiers qui sont protégés par le secret. La personne concernée n'est pas tenue de dévoiler le contenu des droits au secret invoqués. Cela vaut également en relation avec l'invocation du secret professionnel de l'avocat en tant qu'obstacle légal à la levée des scellés (consid. 3.2).
  • L'obligation procédurale de motiver suffisamment les intérêts au maintien du secret invoqués n'est pas une fin en soi, mais doit permettre au tribunal des mesures de contrainte d'effectuer un tri approprié et ciblé. Compte tenu de la maxime de l'instruction (art. 6 CPP), les exigences posées à l'obligation de collaborer et de fournir des preuves dans la procédure de levée des scellés ne doivent pas être exagérément élevées ou formalistes à l'excès (consid. 3.2).
  • En ce qui concerne l'invocation du secret professionnel de l'avocat, il suffit donc, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, de connaître l'emplacement des fichiers protégés par le secret professionnel et les noms des avocats. Il est ainsi possible de rechercher facilement la correspondance d'avocat protégée au moyen d'une fonction de recherche, ce qui permet de l'isoler sans grands efforts ni recherches fastidieuses. Il peut en aller autrement si la correspondance électronique de l'avocat a été effectuée en utilisant des pseudonymes ou des abréviations (du moins pas facilement identifiables). Pour que le secret professionnel de l'avocat soit suffisamment étayé, il faut en outre qu'un rapport de représentation effectif de l'avocat soit démontré de manière plausible pour la période de perquisition décrite par le ministère public (consid. 3.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que la Recourante avait expressément indiqué que les données saisies sur l'ordinateur portable avaient été sauvegardées sur le disque dur externe également saisi et que la base de données et la structure de stockage correspondantes étaient donc pratiquement identiques. En faisant valoir que les données sur l'ordinateur portable et le disque dur étaient identiques et que l'on y trouvait également de la correspondance d'avocat, des documents médicaux et des données protégées sur le plan de la personnalité, la Recourante avait satisfait à son obligation (consid. 3.4).
  • Dès lors, l'instance précédente aurait dû, à l'instar de l'ordinateur portable, isoler les mêmes données sur le disque dur externe. En omettant de le faire, elle a violé le droit fédéral (consid. 3.4).
  • Quant à l'iPhone rouge, le Tribunal fédéral a considéré que la Recourante avait également démontré que la correspondance avec Me E. ainsi que des documents médicaux sensibles y étaient enregistrés dans les applications « WhatsApp », «icloud » ainsi que « mémos vocaux ». Dans ce contexte, l'instance inférieure était tenue de procéder à un tri (consid. 3.4).
  • Enfin, la Recourante a fait valoir que l'iPhone gold était son « Domina-Telefon », raison pour laquelle il contenait dans les applications « WhatsApp », « Photos », « Mail » et « Instagram » diverses photos et vidéos de clients qui ont eu recours à ses services (consid. 3.4).
  • Avec ces explications, notre Haute Cour a considéré que la Recourante avait suffisamment satisfait à son obligation de motiver sa requête (consid. 3.4).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.

TF 7B_120/2022 du 5 octobre 2023 | Contournement des voies de l'entraide par le Ministère public par la collecte indirecte de preuves effectuée par un détective privé à l'étranger – inexploitabilité (art. 141 al. 1 CPP)

  • Le Recourant a déposé plainte contre inconnu pour extorsion et menace. Il affirmait avoir été massivement menacé et avoir été extorqué pour le paiement de USD 5 millions. Le Recourant a versé au dossier du Ministère public (« MP ») un rapport d'observation de l'entreprise de détectives privés C., qui devait identifier B. comme la personne responsable des actes dénoncés. Sur la base de ce rapport, la police a procédé à un interrogatoire de B. Le MP a déclaré que le rapport ainsi que l'interrogatoire de B. étaient inexploitables, au motif que les observations et les investigations faites par la société C. avaient eu lieu sur le territoire allemand. Dès lors, cette collecte de preuves devait être imputée au MP. Le Recourant a agi contre cette ordonnance jusqu'au Tribunal fédéral.
  • Notre Haute Cour a confirmé les considérations de l'instance précédente. Le MP avait requis d'une société de télécommunication allemande la localisation des cabines téléphoniques depuis lesquelles les menaces de l'auteur étaient parties. Cette société a répondu au MP que sa demande devait être faite par la voie de l'entraide. Le MP n'a fait aucune demande d'entraide. Il a toutefois transmis certaines informations au Recourant et notamment les coordonnées de la société de télécommunication à laquelle il devait s'adresser pour obtenir les informations recherchées. C'est sur la base de ces informations du MP que la société C. a pu savoir où chercher et effectuer son rapport qui a mené à l'interrogatoire de B. (consid. 2).
  • La transmission de ces informations par le MP au Recourant constituait une invitation implicite de l'autorité à ce que le Recourant procède lui-même à certaines investigations. Pour cette raison, le MP devait se voir imputer la récolte des preuves qui s'en était suivie (consid. 2.2).
  • Le rapport avait pu être établi sur la base d'investigation conduites à l'étranger qui n'étaient normalement possibles que par la voie de l'entraide. Cette dernière n'ayant pas été demandée, il s'agissait donc d'un cas de contournement de la voie de l'entraide ce qui devait mener à l'inexploitabilité absolue du rapport ainsi que de l'interrogatoire (qui n'aurait pas eu lieu sans les informations présentées dans le rapport) sur la base de l'art. 141 al. 1 CPP (consid. 2.2).
  • Le recours a dès lors été rejeté et l'inexploitabilité des preuves confirmée.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_452/2022 du 16 novembre 2023 | Corruption privée – critère de l'identité des normes (art. 7 al. 1 let. a CP) – application de la LCD

  • Les Intimés, prévenus, ont été poursuivis par le Ministère public pour corruption privée pour avoir remis à C., le directeur technique d'une société domiciliée aux Emirats arabes unis (« EAU »), à l'occasion de plusieurs rencontres aux EAU, de l'argent liquide d'un montant de USD 5,5 millions et de EUR 277'000.-, ainsi que d'avoir promis d'autres paiements d'un montant total de 10 % du montant du contrat, soit USD 3,8 millions afin que la société qu'ils ont désignée, D. AG, obtienne, indépendamment de la qualité des offres des concurrents, le marché pour la construction d'une installation de traitement et d'utilisation du « petcoke » pour environ USD 38 millions. Les contrats visés ont effectivement été conclus. Les Intimés ont été acquittés par le Bezirkgericht de Pfäffikon, jugement confirmé ensuite par l'Obergericht de Zurich. Le Ministère public a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière pénale.
  • Dans un premier grief, le Ministère public s'est plaint d'une violation du droit fédéral en ce que l'instance précédente avait exigé, en plus de la punissabilité du comportement incriminé au lieu de sa commission selon l'art. 7 al. 1 let. a CP, une « identité de normes ».
  • L'instance inférieure a nié l'applicabilité du droit pénal suisse, car les Intimés avaient été poursuivis en Suisse pour corruption privée, alors que les EAU ne connaissent qu'une disposition condamnant la corruption d'agents publics. Le tribunal cantonal avait estimé que la pratique des juridictions, des juristes et de la doctrine émiraties étendant cette disposition à la corruption privée n'avait pas d'importance. Elle a donc conclu que la condition de l'identité des normes n'était pas remplie (consid. 2.2.2).
  • Le Tribunal fédéral a quant à lieu estimé que le raisonnement de l'instance inférieure ne pouvait pas être suivi pour deux raisons.
  • Premièrement, l'instance inférieure avait violé le droit fédéral en interprétant la notion de double incrimination dans le cadre de l'art. 7 CP de manière différente de celle du droit de l'entraide judiciaire et en exigeant, en plus de la punissabilité au lieu de commission de l'infraction selon l'art. 7 al. 1 let. a CP, une « identité de normes » (consid. 2.3.1).
  • Deuxièmement, la pratique jurisprudentielle et les courants doctrinaux étrangers devaient être pris en compte. Ainsi, si la pratique juridique émiratie étendait sa disposition réprimant la corruption d'agent public à la corruption privée, il y avait bien identité de normes avec la disposition suisse poursuivant ce même type de comportement (consid. 2.3.2).
  • Dans un second grief, le Ministère public a reproché à l'instance inférieure d'avoir refusé d'appliquer la LCD au motif que le champ d'application territorial de cette loi dépendait d'un effet sur le marché suisse (consid. 3).
  • Notre Haute Cour a critiqué les développements de la cour cantonale.
  • Selon l'art. 333 al. 1 CP, les dispositions générales du code pénal s'appliquent aux actes réprimés par d'autres lois fédérales, dans la mesure où ces lois fédérales n'établissent pas elles-mêmes de dispositions. Comme la LCD ne contient pas de dispositions sur le champ d'application territorial du droit pénal, les art. 3 à 8 CP sont applicables (consid. 3.2.2).
  • Par ailleurs, la LCD a certes pour but de garantir une concurrence loyale et non faussée dans l'intérêt de tous les intéressés en Suisse (art. 1 LCD). Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le comportement réprouvé par la loi d'une entreprise établie en Suisse peut tomber sous le coup des dispositions pénales de la LCD même si ce comportement vise exclusivement des clients à l'étranger (consid. 3.2.2).
  • Plus particulièrement, il est dans l'intérêt de la place économique suisse, eu égard à la justice pénale supplétive visée à l'art. 7 CP, d'empêcher de tels comportements de la part d'entreprises établies sur le territoire helvétique (consid. 3.2.2).
  • Finalement, le Ministère public a reproché à l'instance inférieure d'avoir considéré que, dans l'hypothèse où la LCD était applicable, les éléments constitutifs de l'infraction de corruption n'étaient pas remplis. La cour cantonale a indiqué, entre autres, que l'offre litigieuse était la meilleure, qu'il n'avait pas été déterminé ce que C. avait fait de l'argent versé par les Intimés et qu'il n'était pas prouvé que C. avait une marge de manSuvre suffisante lui permettant de manipuler le processus décisionnel (consid. 3.3.1).
  • Le Tribunal fédéral a sur ce point également débouté les arguments cantonaux. Le fait que les Intimés aient accordé plusieurs sommes d'argent à C. et lui en aient promis d'autres était incontesté et établi. Il ne ressortait pas non plus des faits constatés par l'instance précédente que C. – qui n'était pas au service des Intimés – aurait eu droit aux paiements accordés. Il fallait donc sans autre partir du principe que l'avantage n'était pas dû. En outre, il est vrai que C. n'avait pas pris seul la décision d'attribuer le projet, mais il avait manifestement eu une influence décisive sur celle-ci. Ce point de vue était partagé par l'instance inférieure, qui avait considéré que C., en sa qualité de directeur technique, devait déterminer quelle était la meilleure offre. C'était donc à lui qu'il revenait d'évaluer les offres pour le comité de 13 personnes d'un point de vue technique. Dans ce contexte, il semblait évident qu'il avait exercé une influence considérable au sein du comité en vue de l'attribution du marché. Au vu des versements effectués et promis par les parties adverses à C., il était possible de douter de l'objectivité de ce dernier lors de la décision. Enfin, il était difficile de comprendre pourquoi les Intimés auraient dû promettre USD 3,8 millions à C. s'ils étaient certains de faire la meilleure offre et d'obtenir de toute façon le marché. L'instance précédente était partie en outre elle-même du principe que l'employeur n'était pas au courant des paiements effectués à C. Le fait qu'il ait manifestement voulu les garder secrets plaidait également en faveur de l'hypothèse d'une violation des obligations (consid. 3.3.2).
  • En conclusion, le recours a été admis et la cause renvoyée pour nouveau jugement.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_210/2023 du 28 septembre 2023 | Violation du droit d'être entendu – communication des déterminations de la partie adverse

  • La Banque intimée a engagé une procédure de poursuite à l'encontre du Recourant. Ce dernier a déposé une demande de suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans une procédure pénale parallèle dont l'issue aurait pu mener à la nullité de l'acte sur lequel se fondait la poursuite. Cette requête a été rejetée par le Tribunal de première instance de Genève. La Cour de justice a rejeté le recours du poursuivi. Ce dernier a donc saisi le Tribunal fédéral.
  • Le Recourant s'est plaint d'une violation de son droit d'être entendu, au motif que les déterminations de l'Intimée sur la requête de suspension de la procédure ne lui avaient jamais été communiquées (consid. 3).
  • Selon l'instance inférieure, le premier juge avait violé le droit d'être entendu du Recourant. Toutefois, ce manquement ne conduisait pas pour autant à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause. En effet, au vu des griefs soulevés dans le recours dont elle était saisie, la cour cantonale disposait d'un pouvoir d'examen permettant un contrôle conforme aux principes jurisprudentiels (consid. 3.1).
  • La Banque intimée a pour sa part fait valoir que le jugement de première instance mentionnait expressément ses déterminations. Ainsi, à compter de la notification dudit jugement, le Recourant aurait pu consulter le dossier de la cause pour en prendre connaissance ou solliciter leur envoi. Alors qu'il était resté passif, en n'entreprenant aucune démarche pour avoir accès à ces déterminations, le Recourant ne pouvait plus invoquer le fait qu'elles ne lui avaient pas été transmises (consid. 3.3).
  • Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas contesté que le Recourant n'avait pas pu se prononcer sur les déterminations de l'Intimée, lesquelles ne lui avaient jamais été transmises. Le Recourant était donc en principe fondé à se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu. De plus, on ne pouvait soutenir que cette violation était sans incidence sur le sort de la cause puisque l'arrêt attaqué portait en partie sur la question litigieuse de la suspension de la procédure de mainlevée, objet des déterminations en cause. Dès lors, en ne permettant pas au Recourant de se prononcer sur celles-ci, alors qu'elles concernaient l'un des aspects déterminants pour l'issue du litige, la cour cantonale ne pouvait considérer que la violation constatée du droit d'être entendu de l'intéressé était guérie compte tenu de son pouvoir d'examen. Même si, comme elle l'avait retenu sans être expressément contredite sur ce point par le Recourant, la violation du droit d'être entendu ne concernait en l'occurrence que des questions de droit, qui pouvaient être examinées librement en procédure de recours stricto sensu, il n'en demeurait pas moins que, conformément à la jurisprudence, la Cour de justice aurait dû transmettre au Recourant une copie des déterminations litigieuses durant la procédure de deuxième instance et lui impartir un délai pour se déterminer afin qu'il puisse faire valoir ses arguments. Cela n'ayant pas été fait, la violation du droit d'être entendu du Recourant n'avait pas pu être réparée en deuxième instance, quand bien même elle ne portait que sur des questions de droit (consid. 3.5).
  • Le recours a par conséquent été admis.

TF 5A_471/2023 du 12 octobre 2023 | Rappel de jurisprudence – conditions d'annulation de la faillite (art. 174 LP)

  • Dans cet arrêt, le Recourant a fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir constaté que la créance en poursuite, intérêts et frais compris, avait été payée avant le prononcé de faillite et, partant, de ne pas avoir annulé la faillite pour ce motif. A cet égard, il s'est plaint notamment d'une violation de l'art. 174 al. 2 ch. 1 LP ainsi que de celle de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) et du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 9 Cst.).
  • En vertu de l'art. 174 al. 1 et 2 LP, la décision du juge de la faillite peut être déférée dans les dix jours à l'autorité de recours, qui peut annuler l'ouverture de la faillite notamment lorsque le débiteur, en déposant le recours, rend vraisemblable sa solvabilité et établit par titre que depuis lors la dette, intérêts et frais compris, a été payée (al. 2 ch. 1). Selon la jurisprudence, un tel titre doit être produit avant l'expiration du délai de recours, toute pièce produite postérieurement à l'échéance du délai de recours étant irrecevable (consid. 3.1.2).
  • Ces conditions, soit le paiement de la dette à l'origine de la faillite, le dépôt de la totalité de la somme à rembourser et la vraisemblance de la solvabilité, sont cumulatives (consid. 3.1.2).
  • Les frais visés par l'art. 174 al. 2 ch. 1 LP comprennent les frais de poursuite qui ne se résument pas aux frais et émoluments perçus par les organes de poursuites en application de l'OELP. Les frais de justice des procédures sommaires du pur droit des poursuites au sens de l'art. 251 CPC ainsi que ceux du juge de la faillite en font également partie (consid. 3.1.3).
  • In casu, le Tribunal fédéral a constaté que la preuve du paiement des frais, à savoir l'émolument du prononcé de faillite de CHF 100.-, n'avait pas valablement été apportée dans le cadre de la procédure de recours, si bien que la faillite ne pouvait être annulée, quand bien même la poursuite avait été soldée (consid. 3.3.2).
  • Partant, le recours a été rejeté (consid. 4).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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