Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_959/2022 du 7 août 2023 | Précision suffisante de l'acte d'accusation (art. 9 et 325 CPP)

  • Au vu des circonstances, l'acte d'accusation suivant (traduction libre de l'allemand) est suffisamment précis et respecte les règles en matière d'accusation (art. 9 et 325 CPP) : « Entre janvier et avril 2016, diverses rencontres auraient eu lieu entre la Recourante et la Lésée à Coire, Zurich et dans d'autres lieux. A l'occasion de ces rencontres, la Prévenue a exigé de l'argent de la Lésée en prétendant de manière mensongère qu'elle la protégerait et que si elle ne lui donnait pas d'argent, elle irait mal. La Prévenue a également menti à la Lésée en lui disant qu'elle l'aiderait à résoudre ses problèmes personnels en contrepartie. La Lésée, qui était gravement atteinte dans sa santé en raison de sa sclérose en plaques et qui était une personne instable, naïve et crédule, a donc supposé que la Prévenue la protégerait, qu'il ne lui arriverait rien et que la Recourante l'aiderait à résoudre ses problèmes personnels si elle lui donnait de l'argent. La Prévenue aurait ainsi incité la Lésée à lui remettre à 60 reprises de l'argent liquide pour un montant total de
    CHF 115'410.-. En outre, elle aurait, de la même manière, incité la Lésée à lui acheter des poêles d'une valeur de CHF 438,50 à Zurich ainsi que deux brosses à dents électriques d'une valeur inconnue à Coire
    » (consid. 2.2).
  • Tout d'abord, le Ministère public a limité la période des faits entre janvier et avril 2016. Cela n'est pas critiquable au vu du grand nombre de remises visées (environ 60 en quatre mois, ce qui correspond à une moyenne de 15 remises par mois) (consid. 2.3).
  • En outre, le Ministère public s'est contenté, pour décrire les lieux de l'infraction, de désigner les villes de « Zurich » et de « Coire », ce qui n'est pas très précis, l'expression « autres lieux » impliquant encore d'autres points de rencontre non précisés. Au vu du nombre de remises, il est évident que les lieux exacts de toutes les rencontres ne peuvent plus être déterminés a posteriori. L'acte d'accusation les décrit donc aussi concrètement que cela semble possible in casu. Pour la Prévenue, compte tenu de la désignation claire de la Lésée (qu'elle connaissait selon ses explications lors de l'audience d'appel), des actes de tromperie ainsi que du montant total qu'elle a accepté, il ne pouvait y avoir aucun doute sur le comportement qui lui était reproché (consid. 2.3).
  • Il en va de même pour le grief selon lequel l'acte d'accusation parle de « diverses » rencontres sans se fixer sur un chiffre ou sans préciser quel montant a été remis à l'occasion de chacune des 60 remises d'argent incriminées. A cet égard également, il semble tout à fait plausible que ces deux éléments ne pouvaient plus être déterminés avec précision après coup, et il n'est ni visible ni démontré que cela aurait eu un effet concret sur les possibilités de défense de la Prévenue. Il apparaît tout aussi inutile (au vu du montant total de CHF 115'410.- ainsi que des poêles d'une valeur de CHF 438.50) pour l'exercice de ses droits de défense de mentionner la valeur d'achat des deux brosses à dents électriques acquises par la Lésée (consid. 2.3).

TF 6B_193/2023 du 16 août 2023 | Manque de participation au cours de l'audience d'appel – retrait de l'appel (art. 386 et 407 al. 1 CPP)

  • Le fait que la Recourante ne participe pas activement à son audience d'appel, notamment en ne répondant pas aux questions des juges ou en continuant d'indiquer qu'elle n'entend et ne comprend pas les questions n'est pas une circonstance permettant d'interrompre l'audience et conclure au retrait de l'appel (art. 386 et 407 al. 1 CPP) (consid. 2 et 5).

TF 7B_129/2022 du 19 juillet 2023 | Défaut à l'audience de conciliation du Ministère public – fiction du retrait de la plainte pénale (art. 316 CPP)

  • Le Recourant a déposé une plainte pénale pour diffamation et injure. Le Ministère public l'a cité à comparaître personnellement en présence du prévenu à une audience de conciliation, pour laquelle il a été rendu attentif aux conséquences en cas de défaut (fiction du retrait de la plainte). Ayant déclaré ne pas être intéressé par une transaction, le Recourant ne s'est pas présenté à l'audience. En application de l'art. 316 CPP, le Ministère public a considéré que la plainte était retirée.
  • Selon l'art. 316 al. 1 CPP, lorsque la procédure préliminaire porte exclusivement sur des infractions poursuivies sur plainte, le Ministère public peut citer le plaignant et le prévenu à une audience dans le but d'aboutir à un arrangement à l'amiable. Si le plaignant fait défaut, la plainte est considérée comme retirée.
  • La transaction est une forme extrajudiciaire de résolution des conflits qui permet aux parties de trouver une solution qui leur convient mieux qu'une sanction pénale. La direction de la procédure tente de parvenir à un accord entre les parties sous la forme d'une déclaration de volonté concordante, dans le but que la personne qui a déposé la plainte retire sa plainte pénale et que la personne accusée présente des excuses, une réparation pour tort moral ou des dommages et intérêts en compensation. Dans ce contexte, l'audience de conciliation est un acte interne de gestion de la procédure. Il appartient au seul Ministère public de décider si et à quel stade de la procédure il en ordonne une (consid. 2.2.1).
  • Celui qui est cité à comparaître par une autorité pénale est tenu de donner suite à la comparution, sous réserve d'un empêchement motivé et prouvé ou de justes motifs (art. 205 CPP). En cas de citation, la loi établit une obligation formelle et inconditionnelle, c'est-à-dire non remplaçable, de comparution personnelle de la personne convoquée à l'audience de conciliation.
  • Dans plusieurs arrêts déjà, le Tribunal fédéral s'est penché sur la fiction du retrait selon l'art. 316 al. 1 CPP.
  • Dans une de ces décisions, notre Haute Cour a considéré que pour que la fiction du retrait s'applique, il fallait que le plaignant manque l'audience sans excuse et qu'il résulte de son comportement, selon les règles de la bonne foi, un désintérêt pour la poursuite de la procédure (TF 6B_1179/2020 du 4 février 2021 ; consid. 2.2.3).
  • Dans un second arrêt, le Tribunal fédéral s'est penché sur la question de savoir si le manque de volonté de transiger exprimé par un plaignant et la non-comparution à l'audience de conciliation qui en découle sont considérés comme une absence injustifiée (ATF 140 IV 118 ainsi que dans la partie non publiée de l'arrêt 6B_1104/2013 du 5 juin 2014). Dans ce cas, la partie plaignante avait exprimé son souhait de ne pas transiger et de ne pas être confrontée au prévenu. Le Ministère public avait alors maintenu la citation à comparaître à l'audience de conciliation et en avait informé l'avocat de la partie plaignante. Seul l'avocat s'était présenté à l'audience en question, sans la partie civile. Le Tribunal fédéral a considéré que la seule présence de l'avocat ne suffisait pas et que la partie plaignante était tenue de comparaître personnellement (consid. 2.2.3).
  • Rien d'autre ne ressort d'un troisième arrêt (TF 6B_1179/2020 du 4 février 2021) : on ne peut déduire que le Ministère public n'a pas le droit d'entreprendre une tentative de conciliation sur la simple indication d'une partie à la procédure qu'elle n'est pas disposée à transiger. Une telle déclaration ne permet pas à elle seule de conclure à un obstacle absolu et irrémédiable. Il faut plutôt tenir compte du but de la procédure de conciliation, qui est que le Ministère public joue un rôle de médiateur en présentant des arguments objectifs. Ce contact direct entre les parties à la procédure, établi par l'intermédiaire du Ministère public, ne doit pas être sous-estimé. Dans ce contexte, il est très rare que l'on puisse dire à l'avance qu'une transaction est exclue en soi (consid. 2.2.3).
  • In casu, notre Haute Cour a jugé qu'il n'était pas à la discrétion du Recourant de se présenter à l'audience de conciliation fixée par le Ministère public. Au contraire, l'obligation inconditionnelle de comparaître selon l'art. 205 CPP s'appliquait et il aurait dû entendre les arguments de l'autorité qui plaidaient en faveur d'une transaction. Son absence a donc été à juste titre considérée comme injustifiée. Hormis sa déclaration préalable de ne pas vouloir transiger, il n'y avait pas d'obstacles absolus à une transaction. Au contraire, des négociations transactionnelles entre deux parties inconnues dans une affaire portant sur des propos diffamatoires ont en principe un sens (consid. 2.2.4).
  • Partant, la décision attaquée, qui protégeait la suspension de la procédure par le Ministère public selon la fiction du retrait, est conforme au droit fédéral au vu de la pratique du Tribunal fédéral (consid. 3).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_190/20231 du 3 août 2023 | Computation du délai péremptoire de quinze mois pour requérir la faillite (art. 166 al. 2 LP)

  • Le 4 septembre 2020, B. a fait notifier à A. un commandement de payer de la somme de
    CHF 600'000.-. A a fait opposition totale. Le 23 février 2021, la mainlevée provisoire de l'opposition a été prononcée. Cette décision a tout d'abord été communiquée aux parties sous forme d'un dispositif non motivé. Le prononcé motivé a été adressé aux parties le 16 avril 2021. Les 3 et 30 juin 2021, le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et la Chambre patrimoniale cantonale ont attesté qu'aucune action en libération de dette n'avait été introduite devant eux. B ayant requis la continuation de la poursuite, A s'est vue notifier une commination de faillite le 14 juillet 2022. Par acte du 2 août 2022, B a requis la faillite de A. Statuant le 6 septembre 2022, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a prononcé la faillite de A.
  • Selon la Cour des poursuites et faillites vaudoise, le délai de l'art. 166 al. 2 LP avait commencé à courir le 4 septembre 2020 (date de la notification du commandement de payer) et avait été suspendu après sept jours par le dépôt le 11 septembre 2020 de la requête de mainlevée. La suspension avait pris fin vingt jours après l'envoi de la motivation du prononcé de mainlevée - qui avait été adressé aux parties le 16 avril 2021 -, soit le 6 mai 2021, puisqu'il n'y avait pas eu de recours ni d'ouverture d'une action en libération de dette. Compte tenu de ces éléments, le délai de quinze mois était arrivé à échéance le 30 septembre 2022, « soit quinze mois moins sept jours après le 6 mai 2021». La requête de faillite, introduite le 2 août 2022, l'avait donc été en temps utile (consid. 3).
  • Le Recourant a contesté cette argumentation devant le Tribunal fédéral.
  • À l'expiration du délai de vingt jours de la notification de la commination, le créancier peut requérir du juge la déclaration de faillite. Il joint à sa demande le commandement de payer et l'acte de commination (art. 166 al. 1 LP). Conformément à l'art. 166 al. 2 LP, le droit de requérir la faillite se périme par quinze mois à compter de la notification du commandement de payer. Si une opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l'introduction de la procédure judiciaire et le jugement définitif, par quoi il faut comprendre, selon la jurisprudence, une décision judiciaire exécutoire (consid. 5).
  • Le délai est suspendu pendant la durée du procès en reconnaissance de dette (art. 79 et 279 LP), la durée de la procédure de mainlevée - provisoire ou définitive - de l'opposition (art. 80-83 LP), du procès en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) et de la procédure en constatation du retour ou du non-retour à meilleure fortune (art. 265a LP). Il appartient au juge, et non aux autorités de surveillance, de déterminer si la réquisition de faillite a été déposée en temps utile ; il doit d'ailleurs le faire d'office (consid. 5).
  • In casu, le Tribunal fédéral a constaté que la cour cantonale avait commis plusieurs erreurs dans la computation du délai péremptoire de quinze mois prévu par l'art. 166 al. 2 LP (consid. 6).
  • Tout d'abord, notre Haute Cour a relevé qu'elle s'était trompée dans le calcul de la durée de ce délai. En considérant qu'il arrivait à échéance
    « le 30 septembre 2022, soit quinze mois moins sept jours [de suspension] après le 6 mai 2021», elle avait en réalité calculé un délai de dix-sept mois et non de quinze. Le délai avait couru dès le 5 septembre 2020, à savoir le lendemain de la notification du commandement de payer (art. 142 al. 1 CPC par renvoi de l'art. 31 LP), et non à compter du 4 septembre 2020, date de ladite notification, comme la Cour l'avait jugé à tort (consid. 6.1 et 6.2).
  • Ensuite, le Tribunal fédéral a souligné que l'autorité cantonale avait considéré, à juste titre, que le délai avait été suspendu après six jours par le dépôt de la requête de mainlevée provisoire, le 11 septembre 2020 (consid. 6.3).
  • Il restait à déterminer à quel moment cette suspension avait pris fin (consid. 6.3).
  • En particulier, se posait la question de savoir si le délai demeurait suspendu jusqu'à échéance du délai (non utilisé) de dix jours (art. 321 al. 2 en lien avec l'art. 251 let. a CPC) pour recourir contre le prononcé de mainlevée (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC), voire jusqu'à l'échéance du délai (non utilisé) de vingt jours de l'art. 83 al. 2 LP pour ouvrir action en libération de dette, étant relevé que celui-ci courait à compter de la notification, et non de l'envoi, du prononcé de mainlevée (consid. 6.3).
  • A cette fin, il y avait lieu de déterminer à quel moment le prononcé de mainlevée devenait exécutoire, permettant au créancier de demander la continuation de la poursuite et de faire notifier une commination de faillite (consid. 6.3).
  • Le Tribunal fédéral avait déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question dans un arrêt rendu sous l'empire de la LPC/GE : la décision de mainlevée était exécutoire dès sa communication - non pas seulement le lendemain de l'échéance du délai de vingt jours de l'art. 83 al. 2 LP -, et habilitait le créancier à demander la continuation de la poursuite, en l'occurrence la notification d'une commination de faillite. Le créancier pouvait faire notifier une commination de faillite même si un recours avait été interjeté contre le prononcé de mainlevée, à moins que l'autorité de recours ait assorti le recours de l'effet suspensif. Il était arbitraire de suspendre le délai de l'art. 166 al. 2 LP jusqu'à échéance du délai (inutilisé) de vingt jours pour ouvrir action en libération de dette (consid. 6.3.1).
  • La doctrine n'offrait pas de solution unanime sur la question (consid. 6.3.2).
  • Depuis l'entrée en vigueur du CPC, la décision du juge de la mainlevée est susceptible de recours au sens des art. 319 ss CPC (art. 319 let. a en lien avec l'art. 309 let. b ch. 3 CPC). En tant que voie de droit extraordinaire, la procédure de recours ne suspend pas l'exécution du jugement attaqué, qui acquiert de surcroît force de chose jugée dès son prononcé (cf. art. 325 al. 1 CPC). Un prononcé de mainlevée est exécutoire dès sa notification aux parties, à moins que, saisie d'un recours, l'autorité de recours ne suspende le caractère exécutoire en accordant l'effet suspensif (art. 325 al. 2 et 336 al. 1 let. a CPC) (consid. 6.3.3).
  • Une décision de mainlevée de l'opposition exécutoire suffit pour demander la continuation de la poursuite et faire notifier une commination de faillite ; dès lors, le créancier peut agir en ce sens dès la notification du prononcé de mainlevée, qu'il s'agisse d'une mainlevée provisoire ou définitive. L'office peut donner suite à la réquisition de continuer la poursuite dès la notification du prononcé de mainlevée de l'opposition, même si un recours a été interjeté contre cette décision, à moins que l'autorité de recours ait attribué l'effet suspensif au recours comme le lui permet l'art. 325 al. 2 CPC. Il n'a pas à exiger une attestation du caractère exécutoire du jugement de mainlevée, cet effet résultant directement de la loi (consid.6.3.3).
  • Dès lors que le créancier peut faire notifier la commination de faillite dès notification du prononcé de mainlevée, la suspension du délai de l'art. 166 al. 2 LP prend fin à ce moment-là (consid. 6.3.3).
  • La loi permettant de communiquer les décisions de mainlevée sous la forme d'un simple dispositif (art. 239 al. 1 CPC), comme cela avait été le cas in casu, il restait à déterminer si, par « notification du prononcé de mainlevée», il fallait entendre la notification du seul dispositif ou celle de la décision dûment motivée (consid. 6.4).
  • Le Tribunal fédéral avait déjà jugé que la décision rendue par une autorité cantonale de deuxième instance et dont le seul dispositif avait été communiqué aux parties ne pouvait pas être exécutée avant sa notification en expédition complète. Cette décision se fondait sur une application analogique de l'art. 112 al. 2 3e phrase LTF, qui disposait qu'une décision notifiée sans motivation ne pouvait pas être exécutée avant que le délai pour en demander une expédition complète soit échu sans avoir été utilisé ou que l'expédition complète soit notifiée (consid. 6.4.1).
  • Malgré l'absence d'unanimité de la doctrine sur cette question, ainsi que les divergences actuelles entre les pratiques cantonales, le Tribunal fédéral a rappelé que cette problématique était vouée à disparaître. En effet, la modification du CPC adoptée le 17 mars 2023 dispose, à l'art. 336 al. 3 CPCrév., qu'une décision communiquée sans motivation écrite est exécutoire aux conditions posées à l'alinéa 1, à savoir lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu le caractère exécutoire (art. 336 al. 1 let. a CPCrév., qui renvoie aux art. 315 al. 4, 325 al. 2 et 331 al. 2 CPCrév.) ou lorsqu'elle n'est pas encore entrée en force mais que le caractère exécutoire anticipé a été prononcé (art. 336 al. 1 let. b CPCrév.) (consid. 6.4.3).
  • Cela étant, en l'état, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'apparaissait pas contraire au droit fédéral pour la cour cantonale de ne pas s'être référée en l'espèce au dispositif du jugement de mainlevée, mais au jugement dûment motivé pour déterminer à quel moment la suspension du délai de l'art. 166 al. 2 LP avait pris fin - moment qui doit correspondre à la date à laquelle le jugement de mainlevée est devenu exécutoire (consid. 6.4.4.).
  • Ainsi, la suspension du délai péremptoire de l'art. 166 al. 2 LP avait donc pris fin au moment de la notification de l'expédition complète du jugement de mainlevée. Ce délai avait recommencé à courir le lendemain et n'avait plus été suspendu par la suite, aucune action en libération de dette n'ayant été introduite, la commination de faillite n'ayant par ailleurs fait l'objet d'aucune plainte (consid. 6.5).
  • Dès lors que l'arrêt querellé ne contenait aucune constatation relative à la date de notification du prononcé motivé - seul la date d'envoi de cette décision aux parties, dénuée de pertinence à cet égard, y figurant -, la Tribunal fédéral n'a pas été en mesure de vérifier si la faillite avait été requise en temps utile. La cause a donc dû être renvoyée à la juridiction précédente pour instruction sur ce point et nouvelle décision (consid. 6.5).
  • En conclusion, le délai péremptoire de quinze mois pour requérir la faillite avait commencé à courir dès le 5 septembre 2020 et avait été suspendu le 11 septembre 2020. Il avait recommencé à courir le lendemain de la notification du prononcé motivé de mainlevée provisoire - date qu'il appartiendra à l'autorité cantonale d'établir - et n'avait plus été suspendu par la suite (consid. 6.5).

TF 5A_952/2022 du 18 juillet 2023 | Saisie LP d'une rente SUVA (art. 92 ss LP)

  • Le litige porte sur la question de savoir si l'office des poursuites était en droit de saisir la rente SUVA du Recourant (consid. 4).
  • Conformément à l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP, les rentes selon l'art. 50 LAI ainsi que les prestations selon l'art. 12 aLPC (actuellement art. 20 al. 1 LPC) sont absolument insaisissables, et ce même si elles devaient dépasser le minimum vital selon le droit des poursuites du débiteur (et de sa famille). En revanche, les prestations qui compensent une perte de gain, ce qui est incontestablement le cas de la rente SUVA litigieuse, sont saisissables de manière limitée. Elles peuvent être saisies dans la mesure où, selon l'appréciation du préposé aux poursuites, elles ne sont pas absolument nécessaires au débiteur (et à sa famille) (art. 93 al. 1 LP) (consid. 4.1).
  • Les rentes de l'AVS et de l'AI ainsi que les prestations complémentaires ont pour but d'assurer le minimum vital. En effet, les prestations complémentaires ont pour but de couvrir les besoins vitaux d'une personne (art. 2 al. 1 LPC). La prestation complémentaire correspond au montant dont les « dépenses reconnues» dépassent les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Sont reconnues comme dépenses pour les personnes vivant à domicile : pour les besoins vitaux généraux d'une personne seule, CHF 1'675.- par mois (art. 10 al. 1 let. a ch. 1 LPC) ainsi que le loyer effectif d'un appartement et les frais accessoires y afférents pour une personne vivant seule dans la commune de Berne, jusqu'à un montant maximal de CHF 1'465.- par mois. Sont en outre reconnues comme dépenses pour toutes les personnes, entre autres, les cotisations aux assurances sociales de la Confédération et le montant pour l'assurance obligatoire des soins (art. 10 al. 3 let. c et d LPC). Les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS ou de l'AI, sont prises en compte comme revenus (art. 11 al. 1 let. d LPC). Les éventuelles rentes de la SUVA doivent donc également être prises en compte (consid. 4.3).
  • S'il est vrai qu'après la saisie de la rente de la SUVA, le Recourant ne disposait pas (ou plus) d'un revenu couvrant ses besoins vitaux au sens de la LPC, il doit être rappelé que l'office des poursuites doit se baser sur le minimum vital prévu par le droit des poursuites, et non sur celui qui est déterminant pour l'obtention de prestations complémentaires. Le législateur a accepté que, dans certains cas, il puisse y avoir une inégalité de traitement entre les débiteurs qui perçoivent uniquement des prestations énumérées à l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP, et qui sont donc absolument insaisissables, et ceux qui ne disposent que de revenus saisissables ou qui disposent également de revenus saisissables limités (consid. 4.4).
  • Partant, la rente était saisissable de manière limitée. L'office des poursuites pouvait donc saisir la rente SUVA dans la mesure où le revenu total du Recourant dépassait son minimum vital au sens du droit des poursuites (consid. 4.4).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

1. Destiné à publication.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.