Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 1C_344/20221 du 2 juin 2023 | Aides LAVI (art. 13 et 19 LAVI) – prise en charge des frais d'avocat – assistance judiciaire gratuite

  • Dans cet arrêt destiné à publication, le Tribunal fédéral a apporté plusieurs précisions concernant les aides et indemnités prévues par la LAVI, l'organisation des cantons quant à la mise en œuvre de cette loi ainsi que la subsidiarité entre l'aide LAVI et l'assistance judiciaire gratuite.
  • Le Tribunal fédéral a tout d'abord qualifié la prise en charge des frais d'avocat de la victime comme étant une aide immédiate ou à plus long terme, au sens de l'art. 13 LAVI, et non pas une indemnisation de l'art. 19 LAVI (consid. 5.2 in fine).
  • Notre Haute Cour a ensuite rappelé que l'exécution de la LAVI incombe, à l'exception des tâches définies aux art. 31 ss LAVI, aux cantons. Il est possible d'attribuer au tribunal pénal la compétence de statuer sur l'indemnisation et la réparation du tort moral (art. 19-23 LAVI) et au département compétent celle de déterminer les aides immédiates ou à plus long terme de l'art. 13 LAVI. Tel est le système adopté par le canton de Thurgovie (consid. 6.1).
  • Cette distribution des compétences implique donc que l'autorité habilitée à se prononcer sur l'indemnisation et le tort moral ne peut rejeter au fond la demande de la victime concernant une aide immédiate ou à long terme, telle que celle portant sur la prise en charge des frais d'avocat (consid. 7.2).
  • En outre, le Tribunal fédéral a également relevé que le droit à l'aide immédiate ou à long terme, telle que la couverture des frais juridiques, en tant que prestation des centres de consultation, ne périme pas. Dès lors, une telle demande ne saurait être considérée comme déposée tardivement. Si la victime dépose sa requête après que les frais d'avocat aient été engagés, et non avant comme il est d'ordinaire recommandé, elle risque tout au plus que l'aide aux victimes ne prenne pas en charge a posteriori l'ensemble des frais d'avocat encourus (consid. 10.3).
  • Enfin, notre Haute Cour a réglé la question de la subsidiarité entre les aides LAVI et l'assistance judiciaire gratuite. Elle a notamment conclu, à la suite de l'application des diverses méthodes interprétatives, que le canton, en tant que débiteur de l'assistance judiciaire gratuite, ne pouvait pas être considéré comme « un autre débiteur» au sens de l'art. 4 al. 1 LAVI. Par conséquent, l'aide aux victimes ne saurait être considérée comme subsidiaire à l'assistance juridique gratuite (consid. 12.3 et 12.6).
  • Dès lors, une victime qui a droit à l'assistance judiciaire gratuite, mais qui ne la fait pas valoir dans la procédure pénale, peut donc encore demander ultérieurement au centre d'aide aux victimes la prise en charge des frais d'avocat (consid. 12.3 et 12.6).

TF 1B_635/2022, TF 1B_636/2022 du 15 juin 2023 | Restriction à la transmission de données bancaires sous scellés aux participants à la procédure – consultation au siège en l'absence de mandataires

  • Une procédure pénale pour abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et faux dans les titres a été ouverte à l'encontre d'employés - actuels ou anciens - de la banque A. SA. Une perquisition a été effectuée dans les locaux de l'établissement bancaire. L'intégralité des courriers se trouvant sur les messageries électroniques professionnelles de deux prévenus ainsi que cinq « autres intéressés » (procédure parallèle) ont été saisis. La banque A. SA a remis au Ministère public genevois deux clés USB cryptées contenant les courriers électroniques issus des boîtes de messagerie électronique professionnelle des prévenus et des autres intéressés et a requis leur mise sous scellés. Le Ministère public a requis auprès du Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (ci-après : TMC) la levée des scellés. Par courriers du 1er décembre 2022, les deux Juges du TMC en charge de ces demandes ont informé la banque A. SA que les données - extraites des fichiers cryptés remis - avaient été indexées et enregistrées sur de nouvelles clés USB, lesquelles lui seraient remises contre quittance ; un délai lui était imparti pour qu'elle indique en substance pour chaque document/groupe de documents le secret les couvrant et en quoi celui-ci primerait l'intérêt public à la recherche de la vérité. Dans le même courrier, il a été indiqué que les autres intéressés avaient été interpellés. Le 2 décembre 2022, la banque A. SA a requis du TMC que les autres personnes concernées par le tri des données sous scellés ne puissent obtenir une copie de la clé USB en raison des éléments confidentiels qu'elle contenait ; une possibilité de consultation pour ces personnes devait être mise en place dans les locaux du TMC.
  • Le TMC a considéré que les prévenus et les autres intéressés n'avaient accès qu'à leur propre messagerie, dont ils connaissaient a priori le contenu et qu'il leur avait également été fait interdiction de copier ou de conserver des données remises sous la menace des peines de l'art. 292 CP. Ces modalités sauvegardaient les intérêts de la banque qui demeurait libre de contacter les prévenus et/ou les autres intéressés afin de se concerter. En outre, les autres intéressés avaient été autorisés à s'en remettre pour le tri à la banque et à ses conseils. La banque A. SA a formé un recours en matière pénale à l'encontre des décisions prises par le TMC.
  • La Recourante a en substance reproché à l'autorité précédente d'avoir autorisé la transmission aux deux prévenus et aux autres intéressés des données sous scellés par le biais de clés USB. Selon la Recourante, ce mode de procéder ne permettrait pas de garantir que ces éléments - contenant des informations confidentielles soumises en particulier au secret bancaire - ne soient pas ensuite transmis à des tiers, que ce soit de manière volontaire ou non, en raison d'un manque de sécurité informatique, d'un vol ou d'une perte (consid. 3).
  • Après avoir rappelé les principes en matière de consultation du dossier pénal dans le cas particulier d'une procédure de levée des scellés (art. 29 al. 2 Cst., art. 6 par. 3 CEDH et 32 al. 2 Cst., art. 101 al. 1 et 107 al. 1 let. a CPP) et des restrictions y relatives (art. 102 al. 1 CPP, art. 108 CPP), le Tribunal fédéral a précisé que la procédure de scellés tend avant tout à soustraire des données potentiellement protégées par un secret de la connaissance des autorités pénales. Cette procédure particulière ne doit cependant pas permettre l'accès de tiers à des données éventuellement confidentielles ; cela vaut a fortiori si, à l'égard de ces derniers, les secrets ou les intérêts privés invoqués par le détenteur et/ou les autres ayant droits s'appliquent. Si un tel risque de divulgation existe, il appartient en conséquence à la direction de la procédure du TMC ( art. 61 let. c ou d CPP) de prendre les mesures nécessaires pour ce faire, notamment en fonction des circonstances du cas d'espèce (volume des pièces sous scellés, supports sur lesquelles elles se trouvent, secrets et intérêts à protéger, principe de célérité, etc.). Lors de cet examen, la direction de la procédure peut en particulier tenir compte du fait que les personnes concernées par la procédure de scellés sont représentées par un mandataire professionnel, à qui - sous réserve d'un cas au sens de l'art. 108 al. 2 CPP - peut en principe être remis le dossier pénal sans que cela n'appelle de considération particulière. On ne saurait écarter une telle possibilité du seul fait que ces personnes ne sont pas des parties proprement dites (cf. art. 104 al. 1 CPP), mais des autres participants à la procédure (cf. en particulier art. 105 al. 1 let. f CPP). En effet, dans ce cadre, ils bénéficient des droits de partie nécessaires à la défense de leurs intérêts, donc celui d'être assisté par un mandataire professionnel (consid. 3.4).
  • Dans la mesure où les données sous scellés ont été remises par le détenteur sur un support informatique que l'autorité peut conserver et copier sans difficulté, la remise d'une de ces copies sur une clé USB protégée par un mot de passe contre quittance pour consultation à l'avocat n'apparaît pas d'emblée exclue. Au regard de la nature particulière de la procédure de scellés et du caractère encore confidentiel des données en cause, une telle transmission à l'avocat peut être assortie de certaines obligations sous peine de l'amende prévue à l'art. 292 CP, à savoir en particulier (a) que la consultation par son mandant n'intervienne qu'en sa présence, (b) qu'il soit fait interdiction à ce dernier et son avocat (b.a) d'effectuer des copies, sous quelque forme que ce soit, des éléments consultés, ainsi que (b.b) de les transmettre à qui que ce soit et (c) qu'il doive restituer le support à l'issue de la consultation (consid. 3.4).
  • S'agissant en revanche des personnes qui ne seraient pas assistées par un mandataire professionnel, il ne saurait en aller de même, faute de pouvoir mettre en œuvre un contrôle efficace de l'usage qui pourrait être fait des données sous scellés. L'hypothèse d'une sanction en application de l'art. 292 CP n'apparaît pas suffisante pour écarter tout risque de divulgation, notamment involontaire, pouvant résulter de la transmission, de l'utilisation et/ou de la conservation d'un support informatique en dehors d'un environnement pouvant apporter certaines garanties de confidentialité. Le fait que plusieurs des personnes concernées soient peut-être également soumises au secret bancaire et/ou à des obligations de discrétion au vu de leur emploi - passé ou présent - auprès de la Recourante n'y change rien. En effet, si cela peut amener quelques assurances quant à la confidentialité du contenu, il n'en résulte aucune garantie s'agissant de manipulations suffisamment sécurisées du support en cause (consid. 3.4).
  • Partant, la nature particulière de la procédure de scellés impose à l'égard de ces personnes que la règle générale s'applique, à savoir que la consultation soit mise en œuvre au siège de l'autorité (consid. 3.4).
  • Au vu de ces considérations, le Tribunal fédéral a estimé que le TMC ne pouvait pas ordonner la remise des clés USB contenant les données aux deux prévenus et aux autres intéressés uniquement sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, si bien que le recours a été admis sur ce point. La cause a été renvoyée aux Juges du TMC, le Tribunal fédéral ne disposant pas des informations nécessaires pour statuer sur les mesures adéquates devant être prononcées (consid. 3.4 s.).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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Footnote

1. Destiné à publication

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