Qui n'a jamais rêvé d'être mis en scène tel un personnage de jeu vidéo, de voir son portrait magnifié en un simple clic, ou d'être peint à la manière d'une Suvre pop art ?

Cela est désormais rendu possible grâce aux applications mobiles et aux sites générateurs d'images, tels que LENSA et MEITU qui conçoivent, en quelques secondes, une large galerie d'images thématiques à l'effigie de leurs utilisateurs.

Ces applications intègrent des intelligences artificielles (IA), à savoir des « ensembles de théories et de techniques mises en Suvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine »1, pouvant concevoir des images personnalisées sur la base de photographies fournies par les utilisateurs combinées à un ensemble massif de données et d'images récupérées à partir d'internet.

Or, en l'absence d'un cadre juridique précis, l'expansion de ces applications soulève quelques problématiques, tant concernant les images récupérées sur internet que celles soumises par les utilisateurs eux-mêmes.

L'usage d'images référencées sur internet

L'IA ne crée pas à proprement parler, mais génère des images à partir de milliers d'autres existantes.

L'intelligence artificielle, le droit d'auteur et la propriété intellectuelle

L'utilisation d'une quantité importante de données soulève quelques problématiques, puisque l'IA, en tant qu'algorithme dépourvu d'intelligence humaine, ne peut avoir une réelle maîtrise du contenu et de la nature des images qu'elle utilise.

Dans un premier temps, il n'est pas certain que les applications aient toutes les autorisations requises pour utiliser les images récupérées sur des bases de données issues d'internet.

En effet, certaines images accessibles par le biais d'internet constituent des Suvres de l'esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle et sont de ce fait protégées par le droit d'auteur2.

Si les idées sont de libre parcours et que l'IA pourrait, dans une certaine mesure, utiliser ces images comme source d'inspiration, les Suvres protégées par le droit d'auteur ne peuvent en revanche être reproduites sans le consentement préalable de l'auteur3.

Or, selon certains témoignages, les IA ne se contentent pas d'utiliser ces images comme simples références pour générer le contenu final mais récupèrent des parties entières d'Suvres existantes en y intégrant seulement les photographies des utilisateurs, ces agissements pouvant être constitutifs d'une atteinte au droit d'auteur. Des utilisateurs rapportent notamment que les signatures de certains artistes seraient encore apparentes sur les images générées par l'IA.

Le manque de contrôle de l'intelligence artificielle des applications génératrices d'images

Dans un second temps, des dérives liées à une absence de contrôle réel par l'IA des images récupérées à partir d'internet sont susceptibles d'apparaître.

Pour concevoir les images finales, les utilisateurs peuvent sélectionner des catégories de thématiques (cinéma, pop culture, princesse...) qui auront pour objectif de donner à l'IA des informations quant au style artistique et à la mise en scène de l'image finale.

Si ces thématiques permettent d'orienter l'IA dans le processus de conception, les utilisateurs finaux ne peuvent en revanche pas donner d'instructions précises au programme et n'ont pas réellement les moyens de contrôler le contenu des images qui seront produites.

Ainsi, si l'IA n'est pas capable de vérifier les images récupérées sur internet, elle serait susceptible d'intégrer comme modèle de référence des éléments à caractère raciste, sexiste, ou encore pornographique.

Des utilisatrices se sont notamment plaintes d'avoir été représentées dénudées ou dans des positions à connotation sexuelle sur les images finales conçues par IA.

Ce point est problématique car si l'utilisateur accepte que son image soit reprise aux fins de créer des avatars sur des thématiques amusantes, il ne consent pas à la reproduction de son image dans des circonstances pouvant porter atteinte à son intimité et à sa dignité.

L'usage de photographies transmises par l'utilisateur

Outre les images de référence trouvées sur internet, l'IA a également besoin, pour générer les images finales, de collecter des photographies auprès des utilisateurs.

Il apparaît toutefois risqué de transmettre une multitude de photographies à des applications sans avoir conscience des modalités réelles de stockage et des finalités pour lesquelles ces photographies auront vocation à être utilisées.

De même, les conditions dans lesquelles les images générées laissant clairement apparaître les visages des utilisateurs et étant ainsi soumises au droit à l'image, sont utilisées par l'application, peuvent paraître incertaines.

Cession des droits et droit à l'image

Pour reproduire l'image d'un individu, il convient de conclure des contrats de cession de droit à l'image. Certaines conditions générales d'utilisation stipulent que les photographies ont vocation à être effacées des serveurs dès que les avatars sont générés, précisant toutefois que l'entreprise peut exploiter commercialement les images finales si ces dernières ont été publiées sur internet par l'utilisateur.

Or, de telles conditions rédigées de manière vague et ne définissant pas les moyens de communication et les supports sur lesquels l'image sera reproduite et diffusée, l'étendue géographique, ou encore la durée de la cession, font naître des incertitudes quant à la manière dont ces dernières seront exploitées.

L'absence de consentement des personnes photographiées

Un risque important existe également si l'image n'est pas générée à partir des photographies de l'utilisateur principal mais à partir de photographies de tierces personnes. L'image représentant ces personnes pourrait ainsi être commercialisée librement par l'application, alors que ces dernières n'ont jamais donné leur consentement à cette fin.

Pire encore, si l'IA est capable de générer des contenus inappropriés, voir pornographiques, il serait alors possible pour n'importe quel individu malintentionné de soumettre à l'application des photographies de tiers pour obtenir des images les représentant dans des situations attentatoires à leur honneur. Ils pourraient ainsi s'en servir à mauvais escient à l'encontre de ces derniers, notamment sur le modèle de la Revenge porn (vengeance sexuelle)4.

Un risque accru pour les mineurs utilisant les IA génératrices d'images

Enfin, cet aspect est d'autant plus problématique concernant l'usage de l'application par des personnes mineures.

Les enfants sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux et il ne serait ainsi pas étonnant que des mineurs utilisent ces applications pour obtenir des images personnalisées à leur effigie. Ces personnes mineures seraient ainsi susceptibles de s'amuser à diffuser les images obtenues par l'IA sur internet, sans toutefois avoir conscience que ces dernières pourraient être réutilisées à des fins commerciales par les sociétés éditrices des applications.

La situation serait d'autant plus critique si des photographies représentant des enfants venaient à être détournées aux fins de générer des images à caractère sexuel ou pornographique.

Ainsi, en l'absence d'un encadrement juridique clair, ces applications, bien que présentant des fonctionnalités attractives, doivent être utilisées avec prudence et parcimonie.

Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en matière de droit du numérique et de la propriété intellectuelle, accompagne ses clients dans différents domaines du droit, notamment en matière d'intelligence artificielle. Si vous souhaitez avoir plus d'informations au regard de la réglementation en vigueur ou si vous avez un litige en lien avec l'intelligence artificielle, n'hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller.

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Footnotes

1. https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/intelligence_artificielle/187257

2. Article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle

3. Article L122-1 du Code de la propriété intellectuelle

4. Délit prévu à l'article 226-2-1 du Code pénal consistant à rendre public des contenus pornographiques sur lesquels apparaît une personne sans son consentement, dans le but de l'humilier en dévoilant son intimité.

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