Depuis de nombreuses années, la jurisprudence monégasque cherche à concilier expansion urbanistique et qualité de vie, en sanctionnant les troubles anormaux du voisinage sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle, indépendamment de toute faute.

Celle-ci permet une appréciation objective et souveraine par les juges du fond, du trouble causé dès lors que le trouble excède la mesure coutumière des troubles « normaux » de voisinage qu'un propriétaire est sensé supporter, à raison des caractéristiques particulières de son bien, pris dans son environnement.

Néanmoins, l'ampleur du trouble n'est pas suffisante : c'est la spécificité de son anormalité et le préjudice qui en résulte qui doivent l'être.

Pendant la durée d'un chantier de construction, le trouble est anormal quand il excède les inconvénients normaux d'un chantier – par sa durée ou son intensité – ou lorsque la construction ne s'effectue pas en conformité avec le permis de construire.

L'auteur du trouble, maître de l'ouvrage, est alors tenu à réparation, sous réserve de son recours éventuel contre les entrepreneurs.

Les juges monégasques procèderont ainsi à une analyse in concreto de plusieurs critères :

  • L'ampleur des travaux, appréciée d'après un « contrôle de proportionnalité » avec les désagréments « normaux » qu'un chantier cause nécessairement ;
  • La durée des travaux, celle-ci étant comparée avec la durée « normale » de ce type de travaux et la durée « supportable » d'un tel chantier et,
  • Les conséquences graves causés par les travaux, que celles-ci soient économiques, matérielles ou morales.

En tout état de cause, la charge de la preuve revient à celui qui se dit victime du trouble allégué et en général, la preuve du trouble anormal requiert le recours à une expertise judiciaire afin de déterminer l'imputabilité et l'ampleur du trouble subi et le chiffrage du préjudice.

Postérieurement à l'achèvement d'une construction, les juridictions monégasques peuvent également retenir l'existence de troubles anormaux du voisinage, par exemple lorsque les constructions édifiées causent une perte d'ensoleillement ou de vue sur un fonds voisin, indépendamment de la violation d'une quelconque servitude.

En général, se pose alors la question de la preuve du trouble subi postérieurement à la démolition et la reconstruction d'un immeuble. Afin de se prémunir contre ce risque, le recours à un bureau d'études spécialisé est fortement recommandé, afin qu'il réalise une modélisation des constructions existantes et projetées, ce qui permettra d'anticiper les éventuels recours entrepris par les propriétaires des fonds voisins.

Cela étant, il n'existe pas de « droit à l'ensoleillement », et les juridictions monégasques apprécient strictement les faits, en tenant compte de l'urbanisation massive de la Principauté et là encore, de l'« anormalité » du trouble subi.

Ainsi, si « nul ne peut se prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée » ; en matière de troubles anormaux du voisinage, il semble également que nul ne pourra se prévaloir d'une tranquillité acquise à un instant donné...

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