OPINION. Après les dispositifs de la Loi Sapin II ou de la Loi Pacte, la Loi Climat et Résilience complète les éléments que les grandes sociétés anonymes doivent inclure dans leur déclaration de performance extra-financière ainsi que les mesures de vigilance qu'elles doivent détailler. La question de l'effectivité de ces nouveaux instruments en matière de RSE est désormais au cSur des préoccupations des actionnaires qui peuvent influer sur la gestion générale d'une société et a un impact direct en matière de gouvernance au sein des entreprises. Par Elodie Valette, avocate associée, et Constantin Achillas, avocat associé, Bryan Cave Leighton Paisner (BCLP)

1150186a.jpg

Sous l'impulsion des textes européens, des dispositions relatives essentiellement à la communication de certaines informations (déclaration de performance extra-financière - DPEF aussi connue sous le nom plus générique de reporting extra-financier) et à la mise en place de procédés destinés à garantir la prise en considération de la dimension « sociétale » de l'activité de l'entreprise (le devoir de vigilance des sociétés mères, les dispositifs mis en place par la loi SAPIN 2 et par la loi PACTE) ont été insérés dans le droit national.

Jusqu'à présent, les grandes entreprises insèrent dans leur rapport de gestion une DPEF incluant des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit. La DPEF a pour finalité de permettre aux entreprises de communiquer les informations nécessaires à leurs parties prenantes, au premier rang desquelles les investisseurs. Face au défi du reporting extra-financier, les entreprises françaises ont dû organiser leurs pratiques de gouvernance, d'autant plus que la DPEF voit son contenu évoluer.

Inclure les informations relatives aux « activités économiques durables »

Tout d'abord, et dans la continuité du Pacte vert pour l'Europe, les dispositions du Règlement Taxinomie relatives au contenu des DPEF ont été précisées. A compter du 1er janvier 2022, les entreprises françaises tenues de publier des informations extra-financières devront inclure dans leur DPEF des informations relatives à leurs « activités économiques durables ».

La Loi Climat et Résilience est venue quant à elle ajouter une obligation propre aux activités de transport. Pour les DPEF relatives aux exercices comptables ouverts à compter du 1er juillet 2022, les informations devront désormais en particulier comprendre les postes d'émission directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l'activité et être accompagnées d'un plan d'action visant à réduire ces émissions.

 La Directive CSRD sur la publication d'informations en matière de durabilité des entreprises qui devrait être adoptée en 2022 a par ailleurs vocation à étendre le périmètre des entreprises assujetties au reporting  extra-financier.

Le législateur européen a par ailleurs prévu que les membres des organes de direction soient collectivement responsables de l'établissement et de la publication du rapport de gestion et des documents qui doivent y être joints, en ce compris la DPEF. Les dirigeants sociaux (membres du conseil d'administration et du directoire) sont donc responsables des préjudices causés à la société et aux associés en cas de manquement à l'obligation de reporting extra-financier. Le risque de mise en cause de cette responsabilité est d'autant moins théorique que le principe de la réparation du préjudice écologique a été consacrée aux articles 1246 et suivants du Code civil. Si la société est assignée en réparation d'un tel préjudice et qu'il est démontré que celui-ci aurait pu être évité si l'obligation de reporting extra-financier avait été correctement exécutée, l'entreprise sera en droit de se retourner contre les dirigeants pris collectivement ou individuellement, le cas échéant.

Deux nouvelles directives

Enfin, seront prochainement adoptées deux nouvelles directives sur la gouvernance durable et sur le devoir de vigilance et de responsabilité des entreprises. Ces nouveaux instruments sont autant d'outils susceptibles de permettre aux actionnaires de remettre en cause la gestion d'une structure qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux sociaux et environnementaux.

Les actionnaires n'hésitent désormais plus à déposer en assemblée générale des résolutions climatiques dites « say on climate », s'inspirant ainsi des pratiques anglo-saxonnes. Il peut s'agir, par exemple, pour les actionnaires de voter sur un plan de transition énergétique ou sur les mesures prises par une société pour réduire ses émissions de carbone. Aux termes de son rapport annuel du 2 décembre 2021 sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, l'AMF (Autorité des marchés financiers) relève que « les résolutions climatiques soulèvent des questions juridiques complexes, et plus particulièrement une question fondamentale d'articulation du rôle des actionnaires et du conseil d'administration en la matière ».

Il y a fort à parier que le dialogue actionnarial entre le management et les investisseurs responsables connaisse un intérêt croissant. L'enjeu de ce nouveau mode de communication des actionnaires est important car la pression qui émane des investisseurs pourrait inciter les grandes entreprises à prendre davantage encore en considération la dimension « sociétale » de l'activité de l'entreprise.

Originally Published by La Tribune

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.