Le changement de lieu de travail d'un salarié concomitamment au projet de mise en place d'un plan de sauvegarde à l'emploi caractérise un abus de l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.

Article rédigé en collaboration avec Matthieu Blaschczyk

La Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'une cour d'appel jugeant le licenciement pour faute grave d'un salarié injustifié en raison d'un abus de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction1.

Dans cet arrêt, un employeur a notifié le 28 mars 2014 un changement de lieu de travail à partir du 1er avril 2014 à un salarié travaillant en tant que serveur depuis 39 ans.

Cette nouvelle affectation prévoyait que le salarié travaillerait désormais sur un autre site, situé à 1,3 km de son ancien lieu de travail. Le salarié refusant sa nouvelle affectation, l'employeur a licencié ce dernier pour faute grave au motif d'absence injustifiée sur son lieu de travail.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de la société au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive, considérant que son refus de changement d'affectation était justifié.

La Cour d'appel estime dans un premier temps que le salarié ne peut se prévaloir d'une contractualisation de son lieu de travail dans un lieu précis. Le changement d'affectation dans un établissement situé dans le même secteur géographique que l'ancien site pouvait être imposé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.

Cependant, la cour d'appel relève dans un second temps que la décision d'affectation coïncidait avec un projet de mise en place d'un plan de sauvegarde à l'emploi consécutif à la cessation de l'activité sur le site initial du salarié et à la suppression de l'ensemble des postes.

La Cour d'appel, suivie par la Cour de cassation, considère ainsi que le changement d'affectation du salarié, qui travaillait depuis 39 ans sur le site initial, avait eu pour seul but d'éluder le versement des indemnités prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi en préparation. Cette manSuvre caractérise donc un détournement par l'employeur de son pouvoir de direction et rend ainsi le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse.

Pour mémoire, si l'employeur a le droit d'imposer au salarié un changement de ses conditions de travail dans le cadre de son pouvoir de direction, il sera sanctionné en cas d'abus dans la mise en Suvre de ce pouvoir. L'abus est révélé lorsque la décision de l'employeur repose sur un motif étranger à l'intérêt de l'entreprise ou a été mise en Suvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Footnote

1. Cass. Soc., 29 sept. 2021, n° 20-14.629

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