À l'automne 2021, le ministre des Transports du Canada décrétait par arrêté ministériel la vaccination obligatoire dans le transport maritime, aérien et ferroviaire sous réglementation fédérale, dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Le Syndicat des métallos a contesté certains de ces arrêtés ministériels par un pourvoi en contrôle judiciaire1, prétendant qu'ils portaient atteinte au droit à la liberté et au droit à la sécurité de personne qui sont protégés par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).

Le 5 juillet 2022, la Cour supérieure du Québec, sous la plume du juge Mark Phillips, a rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire déposé par le Syndicat des Métallos2. Afin de vérifier la légalité et la constitutionnalité des arrêtés du ministère des Transports du Canada, le Juge Phillips dut se prononcer sur les trois questions suivantes :

  1. Les dispositions attaquées des arrêtés ministériels portent-elles atteinte au droit à la liberté ou au droit à la sécurité de la personne au sens de l'article 7 de la Charte?
  2. Si oui, y a-t-il, par ailleurs, violation d'un ou de plusieurs principes de justice fondamentale?
  3. Si la réponse aux deux premières questions est affirmative, la violation de l'article 7 est-elle justifiée par l'article 1er de la Charte?

Motifs de la décision

D'emblée, mentionnons qu'en date du 20 juin 2022, soit durant le délibéré de la Cour supérieure, les dernières formes d'obligations vaccinales émises par le ministère des Transports du Canada furent abrogées, ce qui eut pour effet de rendre théorique le pourvoi du Syndicat des Métallos. Malgré cela, la Cour a choisi d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de trancher le débat.

Après une analyse détaillée des principes juridiques applicables, le juge Phillips répond à la première question en litige en constatant la présence d'une atteinte à l'article 7 de la Charte. Selon le juge, l'effet conjugué de l'obligation (non absolue) de se faire vacciner et de la conséquence qui y est reliée pour l'individu en cas de refus, soit la perte de son travail, entraîne une coercition certaine qui pèse sur la décision de consentir ou non au traitement médical. Ainsi, selon le juge, il s'agit là d'une atteinte à la liberté de l'individu.

De plus, il y a aussi une atteinte à la sécurité de la personne sous forme d'atteinte à l'intégrité psychologique, puisque le préjudice psychologique subi par les plaignants est dû notamment à l'intervention de l'État.

Quant à la deuxième question, à savoir s'il y a également violation d'un ou de plusieurs principes de justice fondamentale, à ce stade-ci la Cour devait se prononcer sur si l'obligation vaccinale était arbitraire, avait une portée excessive ou était totalement disproportionnée.

Selon le juge Phillips, la mesure n'était clairement pas arbitraire puisqu'elle a un lien direct avec son objectif, soit limiter les risques de propagation du virus et assurer la sécurité des transports.

Sa portée n'était pas non plus excessive, dans la mesure où la vaccination obligatoire est jugée nécessaire en milieu de travail.

Finalement, les demandeurs soutenaient que la mesure était disproportionnée parce qu'elle présentait un caractère permanent alors même qu'elle tentait de corriger un mal temporaire. Or, la Cour répond à cet argument qu'il s'agit là d'une minimisation de la gravité de la situation qui guettait le pays à partir de l'automne 2021. Le juge conclut que bien que la mesure ait un effet qui n'est pas banal sur l'individu, cet effet demeure proportionné à l'objectif, lequel n'est pas moins important3.

Points à retenir

Cette décision s'inscrit en continuité avec les décisions passées des tribunaux administratifs et judiciaires, qui ont pour la plupart maintenu les politiques de vaccination obligatoire en milieu de travail. La Cour retient de la preuve que la vaccination constitue le meilleur moyen pour un employeur de prévenir le risque de contagion dans un milieu de travail, de protéger les individus infectés des formes graves de la maladie et donc de protéger la santé et la sécurité de ses employés.

Dans un contexte où la plupart des restrictions sanitaires ont été levées, ce rappel de la justesse des mesures sur la vaccination n'est pas banal. De plus, avec une recrudescence des cas de COVID-19 au Québec et au Canada au moment de la rédaction de ce bulletin, en juillet 2022, il s'agit là aussi d'un rappel que la question est toujours d'actualité et qu'elle continuera de faire couler de l'encre.

Communiquez avec nous

Comme à son habitude, le groupe Droit du travail et de l'emploi de BLG continuera de surveiller ces dossiers relatifs aux politiques de vaccination au fur et à mesure qu'ils seront traités par les tribunaux et les arbitres de griefs, afin de vous tenir au courant de la jurisprudence et des éléments réglementaires pertinents.

Si vous avez des questions sur ce bulletin ou sur la manière dont votre entreprise peut être affectée par la mise en Suvre ou le déploiement des politiques de vaccination, veuillez communiquer avec l'une des personnes-ressources ci-dessous.

Les auteurs remercient l'étudiant Samuel Roy pour sa contribution à cette publication.


1 Syndicat des métallos, section locale 2008 c. Procureur général du Canada, 2022 QCCS 2455.

2 Soulignons que malgré la présence de nombreuses entreprises mises en cause dans ce litige, les politiques de vaccination obligatoire mises de l'avant par ces entreprises ne sont pas visées par le pourvoi en contrôle judiciaire. De plus, les sanctions imposées aux individus ayant refusé de se faire vacciner ne sont pas non plus l'objet du débat.

3 À la suite de son analyse, le juge Phillips prend également le temps de se prononcer sur l'argument subsidiaire des avocats du gouvernement du Canada, voulant qu'advenant qu'il y ait eu une violation de l'article 7 de la Charte, cette violation serait justifiée comme étant une limite raisonnable en vertu de l'article 1er de la Charte, argument avec lequel le juge est en accord.

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